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michael2006music
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11 mars 2006

l'argot verlan

Introduction à l'argot: argot et verlan

    Pour tout étranger apprenant la langue française, il est très difficile de réaliser à quel point la différence est grande entre le français appris à l'école et le français entendu dans la rue. Certains, ne reconnaissant que quelques mots seulement seraient tentés de penser qu'il ne s'agit pas du même langage.

    C'est pourquoi, dans l'étude d'une langue vivante, il est très important, (surtout pour des spécialistes), d'en connaître tous les aspects.Les mots grossiers ou les insultes, même s'ils ne sont pas «standard», corrects en bonne société, sont cependant employés par une majorité de français et méritent en cela d'être étudiés. Cette introduction se veut non exhaustive et simple, accessible aux étudiants étrangers.

    L'objectif de ces notes sera donc d'aborder deux aspects du français actuel, l'argot et le verlan. Pour illustrer notre sujet, nous utiliserons des extraits du film La Haine, de Mathieu Kassovitz qui regorge d'exemples concrets d'argot et de verlan. Nous essaierons d'expliquer comment, quand et pourquoi ils sont utilisés et peut être pourrons nous, nous aussi, essayer de prendre des libertés avec la langue française en jouant un peu avec elle. Mais d'abord quelques éclaircissements par le biais de questions:

      1) Quelle est la différence entre l'argot et le verlan?

    • L'argot définit tout ce qui n'est pas standard, bien vu par la haute société. Il regoupe les mots grossiers, vulgaires, mais aussi des tournures de phrases comme:

      il se la pète un max (he's showin' off).

      Péter signifie to burst ou to fart et un max est l'abbréviation d' un maximum. Le français correct pour cette phrase serait: il crâne. L'utilisation de l'argot ici est motivée par une recherche d'imagerie, une mise en valeur de la phrase en utilisant des mots riches en valeur humoristique.

    • Le verlan, lui, est aussi un jeu avec le langage qui fonctionne un peu comme un encodage du français en renversant les syllabes d'un mot:

      ex: sicmu = musique (siquemu).

      Notez que le mot zicmu est devenu un mot à part entière puisqu'il a sa propre orthographe. Nous verrons par la suite que les rêgles de fonctionnement du verlan ne sont pas si simples.

      2)Pourquoi l'argot et le verlan se sont -ils autant développés en français?

      La langue française a connu de nombreuses périodes de dévelopement (la renaissance en est une) et de restriction (le classicisme, par exemple). L'argot est issu de la grande soif de liberté linguistique du vingtième siècle (voir les Surréalistes et leurs successeurs),mais a beaucoup été un phénomène working class. L'argot a toujours été la langue des bistrots ouvriers parisiens, auxquels bons nombres de films des années cinquantes et soixantes font réference et en ont propagé l'usage à travers la France.

      Le verlan est un phénomène parisien mais aussi celui des banlieues. Paris a toujours été un mythe pour les français et beaucoup de nouvelles modes s'y sont dévelopées. Les autres pays ne connaissent pas la même «centralisation urbaine» et n'ont donc pas le même dévelopement linguistique. L'outil audio-visuel a beaucoup accélérer ce phénomène d'adoption par la province de toute nouveauté venue de Paris.

      3)Quelle est la particularité du verlan par rapport aux autres jeux de langage?

      Le verlan a toujours existé en France et dans d'autres pays, mais ce qu'il y a de particulier chez lui , c'est qu'il est à l'origine un code, un langage secret connu et utilisé seulement par des initiés pour diverses raisons, (identité de bande, pour ne pas être compris par toute autorité, trafic de drogues); or c'est un langage qui s'est propagé aux autres classes de la société et fait partie de la langue parlée par une majorité de gens aujourd'hui, (surtout par les jeunes), à tel point que certains mots figurent même dans les dictionnaires les plus récents, (ex: keum, keuf pour mec, flic respectivement).

      4)Le verlan, comment ça marche?

      Le verlan n' est pas seulement une simple inversion de syllabes, car il faut que le mot «sonne» bien à l'oreille de celui qui le produit ou de celui qui l'entend. Il y a en gros trois «rêgles» ou plutôt trois possibilités:

      a) simple inversion:

        branché > chébran
        pourris > ripoux
        tomber > béton

      b) inversion et rajout d'un autre son:

        mec > keumé ( mec = kem + é = keumé)
        soeur > reusda, reusdé ( soeur = reus + da ou dé = reusda, reusdé)

      c) suppression de la voyelle finale d' un mot déjà inversé:

        mec = keume -e = keum
        père = reupè - è = reup

      Notez qu' une voyelle originale est souvent transformée pour "sonner mieux" ou par facilité de prononciation:

      sac = kas > keus

      Peut être que le mot kas serait trop reconnaissable sans le nouvel encodage keus. Ce phénomène est appelé «veul» et s'explique par sa démonination même, comme le mot «verlan» explique ses caractéristiques par rapport à l'envers. Notez aussi qu'un mot "verlanisé" peut subir les trois règles a), b) et c) citées plus haut:

      ex: en loussdé (discreetly, quietly) = en douce > 1)en oussde > 2)en oussdé > 3)en loussdé >4) en lous.

      Il y a ici: i) inversion; ii) changement de son final; iii) rajout d'une consonne; et iv) suppression de la voyelle finale

      Les quatre différentes étapes citées plus haut correspondent souvent à différentes périodes où chaque prononciation était à la mode.

      Un mot peut aussi être "reverlanisé":

      ex: arabe = beara = beur > beure > reube > reub

      La prononciation beur était utlisée dans les années 80. Aujourd'hui on dit plutôt reub ou reube. Tous ces mots n'ont pas de valeur péjorative.

      5)Pourquoi le verlan connaît-il des modes?

      N'oublions pas que le verlan est un phénomène de banlieue et un langage secret de bandes. Lorsqu'un mot en verlan passe dans les autres couches de la société, il perd son statut de «rebellion» contre celle-ci. Il faut donc le réencoder, le «reverlaniser» pour être le plus méconnaissable que possible des «bourgeois» ou de la police.

      C'est la raison pour laquelle certains mots en verlan peuvent être prononcés différemment selon le quartier d'où l'on vient, la bande à laquelle on appartient:

      ex: comme ça = kommak ou kommas ou sakome

      6)Quand utilise-t'on le verlan? Quand utilise-t'on l'argot?

      Comme vous avez pu le constater dans La Haine, l'utilisation du verlan n'est pas constante. Seuls quelques mots ou expressions dénotent. En revanche, l'argot y est très fréquent.

      Le verlan n'est pas une langue à part entière, mais plutôt un moyen de mettre en valeur certains mots. Par contre, l'argot est un langage, une façon de parler et peut s'appliquer à toutes les phrases. En bref, on peut tout «argotiser», mais on ne peut pas tout «verlaniser». Attention cependant aux expressions argotiques: elles connaissent le même phénomène de mode que le verlan.

      Dans le film La Haine, une scène du script a été retirée: lorsque les trois héros se rendent à l'exposition de peinture, ils sont abordés par un jeune «branché» (trendy) qui essaie «d'être dans le coup» et de parler comme eux. Il les accoste en disant «yo» comme les rappeurs américains, mais par là même, montre le décalage social qui le sépare de Vinz et ses amis.Il utlise un mot accepté et reconnu par toutes les tranches de la société et trahit ainsi son origine, un milieu plus riche.

      7) Peut-on mélanger argot et verlan?

      Beaucoup de mots en verlan sont «fabriqués» à partir de mots d'argot:

      ex: keuf vient de flic qui est argotique (équivalent à copper, pig).

      Notez que keuf tend maintenant à être reverlanisé en feuk, référence à l'anglais fuck.

      Argot et verlan se mélangent très bien et forment en fait un tout, une langue à part entière, la langue des banlieues, qui sera le sujet d'une prochaine lecture en liaison avec la culture de banlieue, phénomène multiculturel et multiracial dont la France n'a conscience que depuis environ une dizaine d'années, (voir le mouvement touche pas à mon pote, 1985-1986). Nous verrons aussi combien cette nouvelle culture est influencée par l'identification à la culture du gettho noir américain et par le hip-hop.

      Bibliographie

    • R.V. Ball, `Lexical Innovation in Present-day French: le français branché' in French Cultural Studies, 1 (1990) 21-35

    • N.J. Lefkowitz, `Verlan: Talking Backwards in French' in The French Review, 63 (1989) 312-322

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    Concept & Design: Tony McNeill
    Text: Mikaël Jamin
    The University of Sunderland, GB, Last updated: 19/2/98
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